Portraits et paysages de Sisteron d'aujourd'hui
Professeur d'arts plastiques d’origine ukrainienne, Svetlana a installé son chevalet à Sisteron. Peintre portraitiste et paysagiste, elle réalise des natures mortes, des paysages et des portraits, dans un style particulier marqué par l'influence et la fréquentation avec les grands peintres, notamment impressionnistes.
Avec Jean marie Kroczek, amateur d'écriture, elle anime des ateliers dans une convergence créative dans la quelle écriture, dessin et peinture se croisent.
Ci-dessous un atelier mené, dans la bibliothèque pédagogique à l’automne 2017.
Paul Arène, poète provençal, pratiquement inconnu
Né en 1843 à Sisteron, Paul Arène est mort, à Antibes, en 1896 à l’âge de 53 ans. Il a vécu une vie courte mais bien remplie sur le plan littéraire. Après avoir été répétiteur à Marseille et préparé une licence de philosophie, il s’installe à Paris où il fréquente les cafés et cercles littéraires. Il occupe d’abord un poste de maître d’étude à Vanves. Il écrit une pièce de théâtre « Pierrot l’héritier » qui connaît un succès immédiat. C’est un tournant dans sa vie. Dès lors, il vit de sa plume.
Il est le contemporain des plus grands écrivains romanciers, conteurs et poètes du 19 ème. En effet, ce siècle a connu l’éclosion de plusieurs courants littéraires majeurs qui ont durablement marqué les lettres françaises : le romantisme, le symbolisme, le parnasse, le réalisme et le naturalisme. Lamartine, Gustave Flaubert, Bernard Coppée, Maupassant sont quelques-uns de ses nombreux contemporains.
Malheureusement, les anthologies et les bonnes feuilles de la littérature française du 19 -ème siècle ne mentionne nullement son nom. Dans les manuels de lecture, on cherche en vain, dans les tables des matières, des extraits de ses écrits. Tout au plus, y trouve-t-on ici ou là, un ou deux poèmes, toujours les mêmes : La cigale et Mobilier scolaire.
La BNF a réimprimé ses poèmes rassemblés dans un ouvrage dont le titre est Poésies de Paul Arène (ED. 1900). La table en dévoile le contenu : sonnets, tableaux parisiens et paysages, noëls, chansons, poèmes et fantaisies, amitiés et sympathies. Cela donne non seulement une idée des thèmes abordés, de ses préoccupations, de la forme de ses poèmes entre classicisme et romantisme mais situe également le poète dans son époque et son univers relationnel.
Il partage son temps entre la capitale et la Provence, passant une bonne partie de ses étés, à Sisteron. Dans la capitale, il écrit les Contes de Paris, des pièces de théâtre, des chroniques pour différents journaux dont la tonalité tranche quelque peu avec ses romans et nouvelles écrites en Provence.
Amoureux de la Provence, militant de la langue et de la culture provençales, Paul Arène s’engage aux côtés de Frédéric Mistral et d’autres amis poètes, dans la création du Félibrige. Ce terme « Félibrige » est dérivé du terme « félibre » que ses fondateurs ont emprunté à un récitatif pour désigner celles et ceux voués à défendre la langue provençale.
Paul Arène a écrit les premières lettres de Mon Moulin et Daudet a écrit, pour sa part, la fin de Jean des Figues, son roman le plus connu, en partie auto-biographique. Il est attesté ainsi que l’a révélé Octave Mirbeau, critique d’art et journaliste, qu’Arène a collaboré avec Alphonse Daudet, à l’écriture des chroniques provençales publiées par L’événement et qui furent ensuite rassemblées sous le titre Les Lettres de mon moulin. Les premières lettres paraissent, signées d’abord d’un double pseudonyme emprunté à Balzac : « Marie-Gaston » Alphonse Daudet le reconnait « Gaston, c’était mon camarade qui, tout jeune, venait de débuter à l’odéon par un petit acte étincelant d’esprit, de coloris et vivant près de moi, à l’orée du bois de Meudon. »
Les exemples d’écriture à deux mains sont rares dans la littérature. La création est le plus souvent entourée d’un mystère au sein duquel l’inspiration tient lieu d’explication. Plutôt que de nègre, il vaut donc mieux parler de co-auteur. Il n’est pas étonnant qu’Alphonse Daudet et Paul Arène pétris d’une même culture se réclamant d’une même identité utilisent des procédés d’écriture très proches qui peuvent se confondre.
Ces trois écrivains partagent le même enthousiasme à sauvegarder et à promouvoir leur langue maternelle, la culture et la beauté de leur terroir. Ils puisent aux mêmes sources d’inspiration pour affirmer l’identité des pays de langue d’oc, créer une œuvre avec leur style propre. C’est l’amitié et l’amour de la littérature qui cimentent leurs relations agrémentées par des fêtes, des rencontres et des échanges épistolaires nombreux. Paul Arène fait de Mistral un confident privilégié.
C’est là qu’il puise le meilleur de son inspiration, dans la connaissance intime et sensuelle de la ville et dans sa rencontre avec le petit peuple et les notables ; une population patiente et laborieuse qui vit au rythme des saisons dont il brossera le portrait dans ses nouvelles.
Mais s’il se fait le chantre de son sud, Paul Arène ne peut pas être qualifié, pour autant, d’écrivain régionaliste, même si naturellement, son audience est plus importante en Provence. Il s’est nourri de littérature latine et de la langue de Molière dont il manie avec virtuosité l’écriture en jouant de toutes les nuances et précisions dressant des portraits de personnages qu’il fait revivre pour nous, décrivant les paysages verdoyants et rocailleux, imaginant des histoires qui nous captivent par leur sens de la vérité. Il s’est essayé avec bonheur à tous les genres littéraires. Ses thématiques sont universelles ; l’amour, la relation de l’homme avec la nature, les passions et les émotions, l’histoire, la vie sociale et le progrès technique y tiennent une bonne place.
Selon moi, c’est à chaque lecteur d’appréhender, au moyen de lectures approfondies et méthodiques, les messages d’un écrivain. Avec Paul Arène, le lecteur est libre de tirer des leçons sur la morale, la psychologie ou les idées sociales de l’auteur. Chacun peut avoir sa perception de Paul Arène, en fonction de la connaissance qu’il possède de son œuvre et c’est certainement ce qui en fait un écrivain inclassable et attachant. Né dans une France rurale qui commence à connaître des transformations liées à l’industrialisation, notamment avec l’arrivée du train, Paul Arène ne cache pas une certaine méfiance envers la modernité technique qu’on appelle le progrès. Ces transformations modifient fortement le cadre de vie traditionnel par les déplacements vers la ville et la modification de la relation entre les hommes. La modernité présente certaines conséquences négatives qui ne lui échappent pas. Pour lui, il le proclame avec force : « il n’est de sûr que la nature. »
Une leçon qui reste aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
L’automne à Chaville est superbe ;
Le bois par place est resté vert ;
Ailleurs, tournant au vent d’hiver
Les feuilles s’abattent sur l’herbe ;
Mais les grands chênes fiers encor,
Gardent leur parure tenace,
Et, sentant que le froid menace
S’habillent de cinabre et d’or,
Qu’importe si le ciel est sombre,
Quand on a la claire forêt !
Son feuillage ardent qui paraît
Plus radieux au sein de l’ombre
Nous garde en ses rameaux vermeils,
Dans ses feuilles d’or pur baignées
Et de longs rayons imprégnés,
Le souvenir des vieux hivers.