Atelier littérature jeunesse

Couverture du livre Ma Vallée de Claude Ponti
Couverture du livre. A gauche, l'arbre-maison.
Au centre,Touim's s'envolant avec un Monte-en-l'air
qui pousse très vite avec les averses
L'arbre-maison des Touim's
L'arbre-maison des Touim's
 
 

Ma Vallée de Claude Ponti
Ou comment le monde imaginaire d’un grand fait écho au monde des petits

En vacances, qu’ont envie de faire vos enfants ? Lire des bandes dessinées, peut-être, non se plonger dans une activité autour d’un livre, fut-ce un album jeunesse !

Pourtant, c’est bien en haleine que les a tenus ce voyage au pays de Ma Vallée, de Claude Ponti (Éditions l’école des loisirs, 2002), lors d’une animation en deux temps proposée par une enseignante de français passionnée par les albums illustrés.

Ma Vallée... Au départ, un ouvrage grand format, présentant le pays, la vie et les mœurs de petits êtres mi-ours/mi-souris : les Touim’s.

Pays des Shtroumphs revisité. Personnages aux noms bizarres, poétiques, alambiqués. La maman, c’est Mirmilla-Moume (on y reconnaît le « M » ancestral), et les enfants : Soyotte, Blounotte ou Trousse-bidouille. Le héros, c’est Poutchy-Bloue (entendre, en anglais, Poutchy-Blue).

Les Touim’s vivent dans un arbre-maison. Ils rencontrent un géant éphémère, l’éduquent et le consolent, jouent à plonger dans des flaques de pluie magiques, naviguent sur des coquilles de noix, tombent de maisons de passage, arrachées par le vent, et sont recueillis. Dans ce monde, « On ne va pas laisser tomber des enfants comme ça ! ». Les champignons y deviennent parapluies qui s’envolent pour visiter le pays (Voir photo de couverture). Un univers tout à la fois fascinant et déroutant pour les adultes que nous sommes.

Faire créer par les enfants un univers imaginaire, implanté dans l’espace physique de la bibliothèque autour d’une rivière, matérialisée, elle, par un fil de laine bleue, tel est le projet. Une petite équipe de quatre enfants s’y est attelée pendant deux séances de 3 heures chacune, mêlant lecture, arts plastiques, et un brin de psychologie.

Première séance. Découverte des lieux, de l’album. Prise de contact, pour chacun, avec son for intérieur.

Divers jeux de langage et de mime leur permettent de se connaître et de présenter leurs lieux de vie (immeuble, villa...). Après la lecture de l’album, ils s’adonnent au jeu de l’écho, comme les petits Touim’s, et dessinent ensuite leur arbre-maison. Enfin, ils déroulent et installent dans la bibliothèque le fil de laine bleue.

Atelier de dessin de l'arbre-maison
Atelier de dessin de l'arbre-maison
Dessin de l'arbre-maison
Dessin n°1 de l'arbre-maison
Dessin de l'arbre-maison
Dessin n°2 de l'arbre-maison
Dessin de l'arbre-maison
Dessin n°3 de l'arbre-maison

Deuxième séance. Des îles, non prévues au départ, viennent s’ajouter au programme.

La mer du pays des Touim’s, qui prend sa source dans l’Ile-baignoire, leur donnera envie de créer des îles. Leur réalisation en 3D (en papier cartonné et feutrine) occupera la deuxième séance, et sera l’occasion de commentaires spontanés.

Réalisation des îles en 3D
Réalisation des îles en 3D
Réalisation des îles en 3D
Réalisation des îles en 3D
Ile Paradis
Ile Paradis où la neige ne fond jamais
(bonhommes de neige)
Ile des chevaux
Ile des chevaux
Ile des tentes et des cabanes
Ile des tentes et des cabanes

Bilan : interactions entre leurs productions, l’univers de l’école et leurs aspirations.

Que retiendra-t-on de cette expérience ?

Que le royaume rêvé de nos enfants n’est pas fait que de sorcières, de démons, ou de combats (étant donné la période – Halloween - on finissait par le croire), mais de désir de paix et de tranquillité.

A l’intérieur des arbres-maisons, se trouvent : des salles de jeux, de sport, des piscines en cascade, des trapèzes, des bibliothèques, et même une salle d’art...

Les îles : l’une est traversée par une rivière, qui berce et endort, des écuries y ont été installées (chevaux non fournis :)). Dans une autre, des cabanes bougent selon l’humeur des personnages, des tentes ont été prévues pour recevoir des amis. Dans une troisième, « la neige ne fond jamais et l’on peut aller à la plage toute l’année »...

De l’intelligence, des amis et des jeux, voilà le monde qui, peut-être, leur fait parfois défaut. Mais également, et contre toute attente, ces îles et ces arbres-maisons mettent aussi en évidence des besoins fondamentaux : « panem » et... « securitas ».

En effet, nos enfants ne perdent pas le nord. Ils ont bien compris que, pour vivre en autarcie, il fallait avoir, avant tout, un bon garde-manger, parfois symbolisé par une pomme d’amour, ou des caves bien remplies, mais aussi, être en sécurité. Prévoyants, ils ont souvent un « plan B » ! Leur cerveau reptilien, très en alerte à cette époque de leur vie, leur fait concevoir des lieux de vie « secure » :

  • L’une des îles est devenue le refuge de « deux personnages et un chien qui ont été chassés de l’arbre-maison par des loups ».
  • L’île Paradis, quant à elle, s’abaisse pour laisser entrer les bateaux par beau temps, et se relève en cas de tempête.
  • Pour ne pas se blesser en tombant des trapèzes, ce sont des bacs contenant des centaines de balles qui attendent leurs futurs propriétaires.
  • Un toboggan, lié pour nous aux jeux, leur permet en fait de descendre du toit « si la porte du haut est fermée », et un passage secret, crayonné à l’encre invisible, permettra d’évacuer le sous-sol « en cas de gros risques » (sic). La sensibilisation des écoles aux questions de sécurité se fait, là, fortement ressentir (six exercices de confinement pour risques majeurs préconisés par les textes dans les écoles) !

Ma Vallée, c’est donc l’histoire d’une exploration en eaux profondes. Et le livre de Ponti n’a pas encore révélé tous ses secrets... Chaque image est un enjeu important (à découvrir dans un autre temps, à d’autres vacances). Claude Ponti aura pensé jusqu’au cimetière, jusqu’à un théâtre pour exprimer ses colères, sans faire de mal à quiconque !

Comme la dernière image de l’album, où la vallée est elle-même cachée à l’intérieur d’un arbre plus grand, l’univers de nos enfants a sa vie à lui, bien caché à l’intérieur du nôtre.

Alors, nos enfants, véritables architectes ?

Séverine BERAUD