Recherches de François Richaudeau
Principes de base de la lecture, Richaudeau
Dès notre jeune âge, nous sommes conditionnés à lire d'une certaine manière (qui n'est pas celle des
Chinois, des Israéliens ou des Turcs). Lors de la mise en page, il est donc important de tenir compte
de ce conditionnement pour faciliter la lecture ou encore pour attirer le regard vers l'une ou l'autre
partie du texte.
Retenons—tels qu'ils ont été décrits par F. Richaudeau—les principes de base ci-après :
Nous sommes conditionnés à explorer la page de haut en bas et de gauche à droite.
En pratique : les titres sont placés en haut de page et les intertitres sont alignés à gauche.
Le regard est attiré par ce qui est grand, gros ou différent.
En pratique : on utilise pour les titres un caractère de corps plus grand. Pour les mots clés, on utilise
des grasses ou encore une autre couleur.
Un texte (un mot ou quelques lignes) est mieux séparé de l'ensemble du texte s'il en est
séparé par des espaces blancs.
En pratique : le blanc doit être utilisé généreusement (d'autant qu'il ne coûte rien) pour rendre le texte
lisible mais aussi pour mettre en évidence certains titres ou certains passages.
Lorsqu'on feuillette un livre on regarde davantage les pages de droite que les pages de
gauche (tous les publicitaires vous le diront).
En pratique : si pour la recherche d'informations le livre doit être feuilleté, il faut placer les
informations importantes sur la page de droite et, autant que possible, en haut de cette page.
Trop c'est trop : si trop de moyens sont utilisés l'œil ne discerne plus l'accessoire de
l'essentiel.
En pratique : économisez les moyens, surtout si vous en disposez généreusement. Pas trop de polices
différentes sur une page (deux au maximum), pas trop de corps différents, évitez d'utiliser en même
temps les grasses, les italiques, les italiques grasses et le souligné.
Anonyme, L’indispensable pour la micro-édition, Virga, Marabout, 1990, p. 152, 153
Richaudeau, François, La lisibilité, CEPL et Denoël, 1969
Derrière les oeuvres plastiques
François Richaudeau s'est toujours intéressé aux structure sous-jacentes qui donnent sens à ce qui apparaît :
ainsi, par exemple les lignes en réseau qui vont de nœud de sens en nœud de sens lorsque l'œil suit le déroulé d'un texte.
Autre exemple : Dans le processus cognitif Richaudeau s'oppose à la conception linéaire de la pensée cartésienne et
privilégie une pensée complexe en réseau ou en rhizomes à l'instar d'Edgar Morin ou de Gilles Deleuze. Enfin, il retrouve
ses intuitions dans un ouvrage, découvert par hasard, traitant de la combinatoire, écrit au XVII ème par le jésuite
allemand Athanase Kircher (1).
Une conférence, prononcée à l'Université Denis Diderot de Paris, montre que sa curiosité insatiable s'est aussi
penchée sur les arts plastiques. Dans son intervention, il décrit les lignes de force cachées, qui structurent toute
représentation plastique, comme la charpente soutient le toit.
S'appuyant sur l'ouvrage de Charles Bouleau, "La géométrie secrète des peintres", il distingue trois formes de
structures : rayonnante, en cercle, en quadrillage.
Malheureusement, si l'application de telle structure à tel tableau semble assez pertinente, il ne nous dit pas quel
sens particulier cette structure peut donner à la représentation plastique ; sauf dans un cas : celui du Mandala où
la structure en cercles concentriques et en labyrinthe, dévoile le parcours de sagesse de celui qui l'élabore ou le
contemple.
D'autre part, il reste étrangement silencieux sur une structure sous-jacente à toute la peinture occidentale, de la
Renaissance à l'Art Moderne, à savoir, la perspective. Cette dernière, qu'elle soit monofocale, multifocale ou courbe,
est, selon ce que nous en dit brillamment l'historien d'art Daniel Arasse (2), une invention politique sous-tendant
l'humanisme en art qui perdurera jusqu'au cubisme.
C'est, en effet, entre 1420 et 1450, qu'à Florence, un certain Côme l'Ancien, pour des raisons politiques trop
complexes à exposer ici, décide de créer une peinture "sobre, pleine de dignité et de tradition toscane", qui
s'opposerait à la peinture gothique internationale, art de cour par excellence.
Pour cela, il fait adopter un principe de construction du tableau, dans un cadre carré, où les lignes de fuite de
la perspective dessinent l'architecture d'une place, où se tiennent des personnages et sur laquelle se fait l'Histoire :
c'est la place urbaine où se manifeste le pouvoir de la res-publica.
Nul doute que toute autre règle de composition du tableau, surtout à partir de l'âge classique, a une fonction
idéologique plus ou moins précise. Même si, comme le souligne malicieusement François Richaudeau dans sa conférence,
il peut exister plusieurs structures possibles pour un même tableau, donc plusieurs interprétations. Car, une image est,
par nature polysémique ; surtout celles nées de l'imagination d'un artiste !
Il reste, qu'avec ses lacunes - mais le temps imparti à un intervenant lors d'un séminaire est nécessairement limité -
la réflexion de François Richaudeau ne manque pas, comme toujours, d'être extrêmement stimulante pour l'esprit.
Alain Le Métayer
(1) cf. François Richaudeau : "Façons de ... ". Editions La Gazette de Lurs. Pages 13 à 18.
(2) Daniel Arasse. "Histoire de peintures". Folio Essais.